La Venoge
La Venoge est un poème écrit par Jean Villard Gilles. Il fait référence à la rivière la Venoge qui coule en Suisse dans le Canton de Vaud. Ce poème, qui est un hommage au pays de Vaud, inspira à Jacques Brel sa chanson Le Plat Pays. La Venoge (texte intégral) - On a un bien joli canton :
- des veaux, des vaches, des moutons,
- du chamois, du brochet, du cygne ;
- des lacs, des vergers, des forêts,
- même un glacier, aux Diablerets ;
- du tabac, du blé, de la vigne,
- mais jaloux, un bon Genevois
- m’a dit, d’un petit air narquois :
- – Permettez qu’on vous interroge :
- Où sont vos fleuves, franchement ?
- Il oubliait tout simplement
- la Venoge !
- Un fleuve ? En tout cas, c’est de l’eau
- qui coule à un joli niveau.
- Bien sûr, c’est pas le fleuve Jaune
- mais c’est à nous, c’est tout vaudois,
- tandis que ces bons Genevois
- n’ont qu’un tout petit bout du Rhône.
- C’est comme : « Il est à nous le Rhin ! »
- ce chant d’un peuple souverain,
- c’est tout faux ! car le Rhin déloge,
- il file en France, aux Pays-Bas,
- tandis qu’elle, elle reste là,
- la Venoge !
- Faut un rude effort entre nous
- pour la suivre de bout en bout ;
- tout de suite on se décourage,
- car, au lieu de prendre au plus court,
- elle fait de puissants détours,
- loin des pintes, loin des villages.
- Elle se plaît à traînasser,
- à se gonfler, à s’élancer
- – capricieuse comme une horloge –
- elle offre même à ses badauds
- des visions de Colorado !
- la Venoge !
- En plus modeste évidemment.
- Elle offre aussi des coins charmants,
- des replats, pour le pique-nique.
- Et puis, la voilà tout à coup
- qui se met à fair’ des remous
- comme une folle entre deux criques,
- rapport aux truites qu’un pêcheur
- guette, attentif, dans la chaleur,
- d’un oeil noir comme un oeil de doge.
- Elle court avec des frissons.
- Ça la chatouille, ces poissons,
- la Venoge !
- Elle est née au pied du Jura,
- mais, en passant par La Sarraz,
- elle a su, battant la campagne,
- qu’un rien de plus, cré nom de sort !
- elle était sur le versant nord !
- grand départ pour les Allemagnes !
- Elle a compris ! Elle a eu peur !
- Quand elle a vu l’Orbe, sa soeur
- – elle était aux premières loges –
- filer tout droit sur Yverdon
- vers Olten, elle a dit : « Pardon ! »
- la Venoge !
- « Le Nord, c’est un peu froid pour moi.
- J’aime mieux mon soleil vaudois
- et puis, entre nous : je fréquente ! »
- La voilà qui prend son élan
- en se tortillant joliment,
- il n’y a qu’à suivre la pente,
- mais la route est longue, elle a chaud.
- Quand elle arrive, elle est en eau
- – face aux pays des Allobroges –
- pour se fondre amoureusement
- entre les bras du bleu Léman,
- la Venoge !
- Pour conclure, il est évident
- qu’elle est vaudoise cent pour cent !
- Tranquille et pas bien décidée.
- Elle tient le juste milieu,
- elle dit : « Qui ne peut ne peut ! »
- mais elle fait à son idée.
- Et certains, mettant dans leur vin
- de l’eau, elle regrette bien
- – c’est, ma foi, tout à son éloge –
- que ce bon vieux canton de Vaud
- n’ait pas mis du vin dans son eau…
- la Venoge !
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